Le 17 mars dernier, deux experts (et non des moindres) du Conseil National de Sécurité Routière remettaient leur démission. Claudine Perez-Diaz et Claude Got ont quitté le comité des experts du CNSR, jugeant que l’organisme « n’assume pas ses fonctions ». Ci-dessous, la tribune publiée dans le Monde.
Cette crise est révélatrice de phénomènes pas toujours visibles ni lisibles par le grand public. Parmi eux, le fossé important entre les déclarations des gouvernants et les actes ensuite posés, signes que la volonté n’est pas aussi forte que le discours, surtout lorsque les lobbies manœuvrent en coulisses.
Le CNSR, créé en 2001 sous le président Chirac, est composé de personnalités (élus, associations, entreprises, administrations…) et doté d’un comité d’experts: scientifiques de haut niveau, travaillant au sein d’universités ou de laboratoires aux compétences incontestées (CNRS, INSERM, IFSTTAR…). Ce Conseil est mis en sommeil en 2008…
Lors du Comité Interministériel de Sécurité Routière du 11 mai 2011, il n’est donc pas consulté concernant les mesures visant à enrayer la hausse de mortalité (moins d’accidents mais plus de morts) qui a suivi les mesures d’affaiblissement du permis à points de la loi LOPPSI 2. L’attirail de « mesures » du CISR de 2011, ressemble à un bricolage d’urgence: on ne peut en effet pas annuler des décisions stupides et démagogiques un an avant des élections majeures. Trop risqué.
Dans les mesures de ce CISR au rabais: interdiction des avertisseurs de radars et suppression de l’annonce des radars (sic !), le lancement du label « voiture sûre » (Euroncap n’y avait jamais pensé !), développement de l’éthylotest anti-démarrage (vous savez, celui qu’on gruge avec un compresseur…), port d’un équipement rétro-réfléchissant pour les motards (mesure annulée), formation obligatoire pour les motards en reprise de guidon (qui ignore encore que ce sont les motards « gros cube » chevronnés qui remplissent les rangs des tués et des blessés graves ?), messages dissuasifs des opérateurs vers les conducteurs en situation de téléphoner (faudra que je demande à des gens qui téléphonent au volant pour savoir si ça marche…), renforcement des sanctions pour l’usage d’un appareil doté d’un écran (au moment où tous les constructeurs équipent les voitures d’écrans tactiles…).
Et la meilleure de toutes: relancer le CNSR !… dont on ne demande pas l’avis quelques mois plus tard en fixant l’obligation pour tout conducteur de posséder un éthylotest neuf en cas de contrôle.
En février 2013, le Monde titre: « Le Conseil national de la sécurité routière accusé de tenir ses experts à l’écart ». Car maintenant le Conseil propose, mais sans l’avis du comité d’experts. On ne lui demande pas son avis, parce que les réponses ne plaisent pas à tout le monde. Alors un Conseil qu’on ne suit pas, ça sert à quoi ?
Mme Perez-Diaz et le Dr Got ont tout mon respect. Bonne route.