Vous voulez comprendre, vous voulez vous faire une opinion, mais c’est compliqué car on entend tout et son contraire, et il vous manque des éléments de réflexion pour faire la différence. Cette rubrique est pour vous.
Au fil du temps, thème par thème, avec un peu d’humour et de second degré, nous continuons à développer les connaissances du socle.
Gardez votre ceinture attachée, nous repartons…
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Les accidents de la route, ça n’existe pas !
Comme nous l’avions évoqué dans ce blog en 2016, il y a un problème sémantique essentiel à utiliser le mot « accident » pour parler d’une collision routière. Selon le Larousse, l’accident est un « événement fortuit qui a des effets plus ou moins dommageables pour les personnes ou pour les choses ». Fortuit signifie « qui arrive par hasard ».
Le hasard ?
Cette notion de hasard est irrecevable pour les collisions routières, si l’on s’en tient aux connaissances acquises grâce à l’accidentologie (qui devrait d’ailleurs être rebaptisée « collisiologie »). L’idée de l’ « accident » routier ne tient que du point de vue d’un usager tiers impliqué qui ne serait pas à l’origine de l’événement. Et à condition qu’il soit resté passif ; ceux qui pratiquent la conduite préventive savent que, dans la majorité des cas, les conséquences des erreurs des autres (ainsi que les nôtres) sont évitables. Mais admettons, du point de vue de la victime, on pourrait parler d’accident…
Pour illustrer cette vision fataliste, il me revient le souvenir d’un conducteur marseillais en train de raconter comment il avait « attrapé un accident ».
Une construction complexe
Si on prend du recul par rapport à la situation et à ses conséquences, l’aspect fortuit (c’est-à-dire imprévisible) disparaît. Plusieurs études de l’IFSTTAR (notamment du Laboratoire Mécanismes d’Accidents) montrent que la composante humaine est présente plus de 9 fois sur 10. Il y a un peu de tout : des lacunes de perception (« j’ai pas vu… »), des erreurs d’analyse (« j’ai cru que… »), des pertes de connaissance, des endormissements, mais surtout, des infractions. Souvent plusieurs, et qui se combinent.
Dans la très grande majorité des cas, la ou les infraction(s) que l’on va retrouver dans le scénario de l’ « accident » sont banales, habituelles. En tout cas, pour leur auteur. Le responsable de la collision a automatisé une ou plusieurs transgressions. En plus, comme la plupart du temps il ne se passe rien, ni sinistre ni verbalisation, pourquoi cesser de le faire ? Tant que je gagne, je joue… Et je construis mon « accident ».
En regardant du côté des tribunaux, dans les jugements pour « homicide ou blessure involontaire », les enquêtes trouvent toujours au minimum une infraction commise par l’un des acteurs de l’ « accident ». En lisant les faits divers dans les journaux, on peut faire le même constat.
L’évolution en cours
Enfin, si l’on regarde ce qui se passe dans les pays anglophones, le terme « accident » n’est plus utilisé par les experts, formateurs et préventeurs ; seulement par certains médias et le grand public. C’est « crash » qui a pris naturellement la place. Cela peut se traduire par « collision » ou « plantage ». En tout cas, la notion de hasard n’y est plus : on constate les conséquences d’un dysfonctionnement.
Car en effet, du point de vue des accidentologues, un « accident » est une rupture dans le système humain-véhicule-environnement (HVE). Une situation de conduite normale, c’est un humain qui se déplace dans un environnement donné avec un véhicule. Chaque élément du système interagit avec les autres. Mais c’est l’humain qui régule le système lui-même.
Et l’enjeu est là : il n’y a pas de fatalité dans les collisions routières. On peut donc agir.