Il n’est pas facile d’avoir une opinion précise sur la sécurité routière, et ce, pour plusieurs raisons. Une des principales est que les impressions, les ressentis individuels sont trompeurs. Ils mènent à des raisonnements simplistes où l’expérience de la conduite est confondue avec l’expertise de la route.
Une autre raison de ce flou réside dans les raccourcis de communication que l’on peut lire ça et là dans les médias généralistes. Un exemple qui ne vous a sans doute pas échappé : « La somnolence, premier facteur de mortalité sur autoroute ». Arrêtons-nous un instant sur ce sophisme.
Une logique causale obsolète
Comme nous l’avons vu dans un précédent article (« Les causes d’accident, ça n’existe pas ! »), les collisions routières sont le résultat d’une combinaison de facteurs et non d’une cause unique. Il y a peu de temps, le passager d’un véhicule léger a été tué dans un « accident » où l’on peut relever un excès de vitesse, des produits stupéfiants, le défaut de port de ceinture, de la fatigue, de l’excitation, etc… Dans ce cas précis, les stupéfiants, la fatigue et l’excitation sont des facteurs contributeurs de l’évènement. On les nomme facteurs facilitants. Mais la gravité, la mortalité qui en a résulté, est due à la vitesse et à l’absence de protection du passager. Ce sont des facteurs dits aggravants.
Facteur d’accident ou facteur de mortalité ?
Or, dans la sinistralité autoroutière, la somnolence est le facteur le plus fréquent lorsqu’il y a un décès. Mais il n’est qu’un facteur contributif. S’endormir ne tue pas, à moins de percuter ou d’être percuté avec force. Au-delà de 64 km/h contre un obstacle fixe (vitesse plafond du crashtest Euroncap®) ou de 100 km/h en tonneaux, la survie est incertaine et tient parfois du miracle.
Les 5 principaux facteurs, qui contribuent à la survenue des accidents, tous réseaux confondus, sont
- les excès de vitesse
- les refus de priorité
- l’alcoolémie
- les stupéfiants
- la téléphonie
- les dépassements dangereux (cf. Bilan de la sécurité routière).
L’intérêt de ne pas voir
Etant donné le poids à la fois politique et économique des défenseurs de la vitesse, il est logique d’avoir recours à des raccourcis statistiques. Ou à des pirouettes comme celle qui consiste à ne comptabiliser que la vitesse excessive, ici assimilée au dépassement des limites (habituellement, la vitesse excessive est celle qui, tout en restant dans les limites autorisées, n’est pas adaptée aux circonstances comme la présence d’autres usagers ou la faible visibilité aux intersections).
En effet, si la vitesse, élevée mais autorisée (comme le 130 sur autoroute), n’est plus un facteur de mortalité, alors il n’y a plus de problème !
Et on peut dire, en toute bonne conscience que la somnolence tue…