Doit-on être vigilant, concentré ou attentif au volant ?
Vous pensiez que c’était la même chose ? Ce n’est pas grave. Vous êtes victimes de la déviance terminologique qui touche notre époque.
Pour bien comprendre la différence, il suffit de partir de leurs contraires. Et des mots de la même famille.
De plus près
Le contraire de la vigilance, c’est le sommeil. Avec cette étape intermédiaire nommée hypovigilance que beaucoup de conducteurs ont connue, parfois au prix d’un réveil sur le toit, voire pire. Dans la même famille, il y a la vigie et le vigile, dont la mission consiste à rester éveillé quand justement tout le monde dort.
Le contraire de la concentration, c’est la déconcentration, qui est un retour à une réalité plus globale. Un synonyme possible est la focalisation : je traite une seule information que j’ai choisie. Au détriment du reste.
Le contraire de l’attention, c’est l’inattention, qui peut être due à la concentration ou à la distraction. Être inattentif regroupe plusieurs réalités cognitives, qui indiquent toutes une certaine distance avec la situation dans laquelle on se trouve. Etre attentif suppose de ne pas sélectionner les informations à traiter mais plutôt d’en analyser le plus possible, pour chercher la finesse d’interprétation et l’anticipation de situations inhabituelles.
Prenons un exemple : je suis au téléphone en train de conduire. Je suis vigilant, puisque je ne dors pas car je parle à mon interlocuteur. Je suis concentré sur la conversation1. Mais je ne suis pas attentif. En tout cas à la conduite. Beaucoup de personnes, surtout celle qui pratiquent le téléphone en mains libres au volant depuis des années, pensent être capable de gérer les deux en même temps. Nous reviendrons sur cette auto-persuasion dans un prochain article.
Le piège du ressenti
Un autre exemple qui va à l’encontre de beaucoup de croyances, souvent fondées sur des ressentis : je roule très vite, je suis concentré ; je me sens donc moins en danger que si je rêvassais à une vitesse plus raisonnable.
Le ressenti qui trompe à ce moment-là est celui de la saturation cognitive : le cerveau est à son maximum, il a trop d’informations visuelles à traiter donc il sélectionne. La vision centrale est prioritaire, c’est pourquoi le champ visuel se réduit. D’ailleurs, je dois regarder fixement devant moi, car sinon, je peux dévier de ma trajectoire, et à vitesse élevée, cela peut être fatal. Et paradoxalement, alors que le cerveau n’arrive pas à traiter tout ce qui est important, je me sens bien, efficace, et par conséquent en sécurité.
En fait, c’est quand je m’ennuie un peu, parce que mes capacités ne sont pas saturées, que je peux absorber l’événement imprévu. D’une part, j’ai la possibilité de chercher plus d’informations, loin devant, plus près, sur les côtés, derrière dans mes rétros, dans mes angles morts, sur mon tableau de bord… D’autre part, j’ai une allure qui ne surprend pas les autres, qui me permet d’avoir des freinages efficaces le cas échéant et qui diminue la violence des chocs si par malheur je n’arrive pas à éviter la collision.
Mais pour les conducteurs nerveux, cette petite marge de sécurité est difficilement supportable. Certains, ne lésinant pas sur la mauvaise foi, vont jusqu’à évoquer le risque de s’endormir, ou la menace de faire autre chose (téléphoner, manger, farfouiller dans la boîte à gants…). La recherche accidentologique a montré que ce sont les grandes vitesses qui génèrent les endormissements les plus rapides, par épuisement des ressources énergétiques. Et pour ce qui est des co-activités, elles relèvent du choix personnel, pas de l’obligation. On peut aussi refuser de faire autre chose que conduire…
En conclusion
Rester vigilant au volant est très important, mais cela ne suffit pas.
Se mettre en état de concentration est risqué, malgré le sentiment d’efficacité qu’il procure.
Rester attentif est le mieux, mais l’attention suppose une ouverture d’esprit et une adaptation permanente. Donc un effort.
Mais la maîtrise du risque passe par là.
Bonne route à vous et portez vous bien !