Vous voulez comprendre, vous voulez vous faire une opinion, mais c’est compliqué car on entend tout et son contraire, et il vous manque des éléments de réflexion pour faire la différence. Cette rubrique est pour vous.
Au fil du temps, thème par thème, avec un peu d’humour et de second degré, nous développerons les connaissances qui se connecteront les unes aux autres pour former votre socle.
Bouclez votre ceinture (oui, facile…), nous voilà partis…
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Les causes d’accidents, ça n’existe pas !
Remettons les choses à leur place. Les médias citent souvent la vitesse, l’alcoolémie ou la fatigue comme les principales « causes » d’accidents. Il serait bon de ne plus employer ce terme obsolète : il n’y a pas de cause d’accidents, il n’y a que des facteurs.
La différence tient au fait que la cause est unique et suffisante, alors que le facteur est contributif. Il faut plusieurs facteurs combinés pour construire l’accident (qui n’en est pas un d’ailleurs, nous le verrons plus tard).
Plusieurs facteurs pour un accident
Ainsi, les facteurs accidentogènes peuvent être facilitants (ils préparent le terrain), déclenchants (ils font basculer la situation de conduite) ou aggravants (ils augmentent les dégâts). Ils appartiennent à plusieurs catégories : facteurs humains, mécaniques, environnementaux. On y ajoute également les facteurs organisationnels lorsqu’il s’agit de risque routier professionnel.
Détail curieux : ce n’est pas forcément en agissant sur le facteur déclenchant que l’on résout une situation accidentogène.
Exemple des giratoires
Apparus au début des années 80 en France, ils sont venus remplacer des carrefours à angle droit souvent munis d’un feu tricolore ou d’un stop. Les collisions y étaient violentes, y compris en ville. A cela plusieurs raisons :
- Un véhicule est moins bien protégé sur le côté qu’à l’avant ou à l’arrière, où le choc est mieux absorbé par l’épaisseur qui sépare les occupants du point de choc
- La limitation de vitesse en agglomération était plus haute (60 km/h) et n’était de toute façon pas respectée, comme celles sur le réseau secondaire et autoroutier
- Les voitures n’avaient pas encore connu les progrès technologiques de sécurité active et passive rendus obligatoires dans les années 90.
Or, les giratoires n’ont pas eu d’effet sur le facteur déclenchant des collisions aux carrefours : le refus de priorité. Quand on y réfléchit, c’est évident : pas de refus de priorité, pas de choc !
Ils ont agi sur certains facteurs facilitants et aggravants comme la vitesse d’approche, l’angle d’impact et surtout le doute sur le respect de la priorité par les autres usagers. Quand les autres ont un stop ou un feu rouge, il est difficile de se préparer à renoncer à sa priorité. C’est pourtant sur ces carrefours qu’il y a le plus de tués et de blessés graves, et de loin.
Les giratoires ont donc apporté deux éléments de sécurisation essentiels dont nous reparlerons : la vitesse basse à l’approche de l’autre et l’incertitude sur ses intentions.
Quel risque y a-t-il à confondre cause et facteur ?
La logique causale est pratique car elle permet des raisonnements économes en énergie mentale. Mais elle est fausse et, comme toutes les logiques fausses, induit des réflexions faussées. Comment expliquer qu’on puisse conduire alcoolisé et ne pas avoir d’accident ? Comment croire que la vitesse est dangereuse alors qu’on fait du 200 sur autoroute sans qu’il ne se passe jamais rien ?
Comme cette histoire de cause ne marche pas, on n’a plus qu’à se réfugier dans le fatalisme : si l’accident arrive, je n’y peux rien, c’est le destin !
L’approche factorielle est plus complexe, certes. Elle demande un effort de conceptualisation et une construction du raisonnement. Mais elle aboutit à des résultats et la prévention devient possible.