Un sujet pas si nouveau
Il y a à peine plus de dix ans, Jean-Pascal Assailly, chercheur à l’IFSTTAR (Institut Français des Sciences et Technologies des Transports, de l’Aménagement et des Réseaux) et expert mondialement reconnu de l’éducation routière, donnait une interview au magazine GEO. Dans l’entretien, il évoquait l’arrivée de l’éco-conduite dans les programmes, suite au Grenelle de l’environnement, comme un « dossier provisoire », qui disparaîtrait avec l’arrivée des moteurs propres et des voitures électriques. A la même époque, le magazine indiquait que peu d’inspecteurs des permis de conduire étaient formés pour évaluer l’éco-conduite, et que cela était un frein à la formation des jeunes. Pourtant, la préconisation se trouvait déjà dans le rapport Lebrun en 2008…
Force est de constater que, douze ans plus tard, le sujet est d’actualité et que la demande va même croissant. A la fois dans les entreprises et chez les particuliers, de plus en plus de conducteurs apprennent à devenir plus économique et plus écologique dans leur usage de la route.
Et à l’auto-école ?
Les enseignants de la conduite se forment eux aussi, mais à une cadence lente. En cause: le risque de voir leurs candidats ajournés à l’examen pratique du permis de conduire s’ils pratiquent l’éco-conduite ! La grande majorité des IPCSR (inspecteurs des permis de conduire et de la sécurité routière) ne connaît pas les principes de l’éco-conduite, et n’apprécie pas son application durant les examens, alors que pourtant il y a un point bonus à gagner si l’on conduit éco…
La problématique est simple: les auto-écoles doivent faire un choix. Soit elles forment des éco-conducteurs (auquel cas ils pratiqueront l’éco-conduite à l’examen), soit elles forment des conducteurs à l’ancienne et rajoutent un module d’éco-conduite (auquel cas ils pourront, en fonction de l’inspecteur, pratiquer éco-conduite ou conduite énergivore). La deuxième solution présente deux inconvénients majeurs: l’allongement de la formation (et donc l’augmentation de son coût) et l’enseignement d’une pratique non-vertueuse, qu’il serait souhaitable de voir disparaître rapidement.
Dans l’impasse…
Voilà tout le paradoxe, face auquel certains seront tentés d’ironiser à l’aide d’un « c’est très français ! ». L’Etat voudrait que tout les apprentis conducteurs deviennent des éco-citoyens de la route, mais ses inspecteurs ne le permettent pas… En tout cas pas pour l’instant. La balle est dans le camp du Ministre de l’Intérieur, puisque ce n’est plus le Ministère de l’Ecologie et des Transports qui est en charge de l’éducation routière depuis quelques années. Aura-t-on la volonté politique et mettra-t-on les moyens pour mettre à niveau les IPCSR ?
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